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LES COMMISSAIRES DE LA CONVENTION

aux moines, « peste de l’humanité », demandent la vente de leurs biens, réclament la destruction des archives de la Chambre héraldique, s’en prennent à l’archevêque de Malines, tapi dans son « épiscopière ». Le 3 janvier 1793, une fête solennelle est organisée. Au son du « Ça ira », les clubistes, portant le buste de van der Mersch, coiffé du bonnet phrygien, se dirigent processionnellement vers Sainte-Gudule. Ils y font bénir leurs drapeaux dont l’étoffe rouge porte l’inscription fulgurante : « Tremblez tyrans et vous esclaves… ». Puis, après avoir entendu le citoyen Charles de Mons célébrer dans la « chaire dite de vérité » le décret du 15 décembre et le Dieu de la liberté « qui est le vrai Dieu », leur bande va renverser la statue de Charles de Lorraine, brûle des mannequins représentant van der Noot et van Eupen, après avoir livré aux flammes le texte de la Constitution brabançonne, et achève la journée en abattant les figures des rois, ducs et « autres despotes » parsemées dans le Parc qu’elles souillent de leur présence[1]. Mais ces manifestations n’ont d’autre résultat que de provoquer la désertion dans la société. Le commissaire Publicola Chaussard a beau affirmer « qu’un club est le refuge des opprimés et le temple de la justice »[2], la plupart des membres, épouvantés par les violences où on les entraîne, abandonnent bientôt presque exclusivement la place aux Français.

Les commissaires s’aperçoivent avec dépit du fiasco de leur éloquence. « Le Belge, dit l’un d’eux, ne connaît que l’hostie et l’argent ; le premier mobile l’emporte encore sur le second. Voilà sa donnée réduite à sa plus simple expression »[3]. Ils constatent que l’attachement de la population à ses vieilles coutumes la retient sous l’influence des autorités traditionnelles. Ils ne peuvent se dissimuler que le mécontentement est général et les plus nerveux vont jusqu’à redouter des « vêpres siciliennes ». Pourtant, ils s’épuisent en vains efforts pour se rallier les masses. « Les pauvres et les malheureuses vic-

  1. Voy. le Journal de la société, à partir du 31 décembre 1792.
  2. Publicola Chaussard, Mémoires historiques et politiques sur la révolution de la Belgique et du pays de Liège en 1793, p. 134 (Paris, 1793).
  3. A. Sorel, op. cit., t. III, p. 474.