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JEMAPPES

victoire rendrait le courage à ses soldats et lui ramènerait la confiance des Belges. Le 16 mars, il livre à Tirlemont un heureux combat. Mais deux jours plus tard, le 18, la journée de Neerwinden « décida la perte de la Belgique, comme la bataille de Jemappes en avait décidé la conquête »[1]. Après une lutte également énergique de part et d’autre, les Français, vaincus à leur aile gauche, n’avaient plus, le soir venu, qu’à battre en retraite.

Vainement, ils tentèrent encore (21 mars) d’arrêter l’ennemi devant Louvain. Ce fut leur dernier effort. L’armée était trop épuisée pour fournir une plus longue résistance et il ne restait qu’à la ramener sous les places fortes du Nord de la France d’où elle s’était élancée l’année précédente à la conquête de la Belgique. Cobourg se borna à la suivre sans l’inquiéter. Ses échecs militaires n’empêchaient point Dumouriez de conspirer contre la République. Après l’avoir sauvée, il ne songeait plus qu’à la détruire avec la complicité de l’Autriche. Demeuré homme d’Ancien Régime, il sous-évaluait l’esprit républicain de ses soldats. Il crut que son prestige personnel suffirait à les entraîner dans la défection. Abandonné par eux, il n’eut plus, le 5 avril, qu’à passer à l’ennemi.

Du régime chaotique qui avait été celui de la Belgique pendant l’occupation française, il ne subsistait rien. Il s’était débattu dans le provisoire, et la désorganisation qu’il avait amenée avec lui n’avait fait que bouleverser les institutions sans les détruire. Des manigances de clubs, des administrations bâclées, des réquisitions, des pillages et des impiétés, c’était à cela en somme que se réduisait son œuvre. De la Terreur qui venait de s’organiser à Paris, la Belgique n’avait rien connu et la guillotine n’avait pas fonctionné sur son sol. S’il y avait eu des violences contre les personnes et surtout contre les propriétés, il n’y avait pas eu de sang répandu. La fortune publique avait en somme assez peu souffert. Mais la bourgeoisie avait été inquiétée, le clergé malmené et le sentiment religieux froissé plus encore que le sentiment national.

  1. A. Chuquet, La trahison de Dumouriez, p. 99.