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L’OCCUPATION

de la France. De puissantes barrières entouraient ainsi de toutes parts les ci-devant Pays-Bas autrichiens. En fait, jusqu’en 1814, ils ne devaient plus voir d’armées étrangères sur leur territoire, et au milieu des guerres incessantes de la République et de l’Empire, ils jouirent d’une sécurité singulière. Luxembourg, défendu par le vieux Bender, y maintint encore pendant quelque temps les couleurs impériales. La place ne capitula que le 7 juin 1795, après un siège de six mois et demi.

II

La seconde invasion de la Belgique coïncide à peu près avec la fin de la Terreur : il ne s’est guère écoulé qu’un mois entre la bataille de Fleurus et la chute de Robespierre (27 juillet 1794). La période tragique et grandiose où la République, régie par la démagogie, la guillotine et l’Être Suprême, a excité tout ensemble d’admiration et l’horreur des contemporains, se place entre l’évacuation et la reconquête du pays. Le régime qui allait être imposé à celui-ci fut déterminé par la réaction de thermidor.

À ce moment, la France a parcouru le cycle de la Révolution. Elle abandonne l’idéalisme humanitaire, pour s’imprégner d’un esprit de plus en plus réaliste. Elle ne prétend plus affranchir les peuples, mais les dominer : elle devient ouvertement impérialiste. Épuisée par la lutte gigantesque qu’elle soutient contre le monde, elle est forcée d’ailleurs, sous peine de mourir de faim et de misère, d’exploiter les pays conquis. Elle leur applique sans scrupule la loi du vainqueur. N’a-t-elle pas sur eux, en même temps que la supériorité de la force, la supériorité des principes ? Aussi bien, aucun d’eux ne s’est soulevé en sa faveur. Elle a dû s’en emparer de haute lutte et, les ayant arrachés à leurs « tyrans », elle se reconnaît le droit de les mettre en coupe réglée, de faucher à coups de décrets leurs institutions, en attendant le jour où elle pourra leur « ouvrir son sein » et transformer ces sujets, purifiés du despotisme, en citoyens français.