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CHAPITRE III

LA RÉUNION

I

Le décret du 1er  octobre faisait bien plus qu’annexer la Belgique à la France : il l’y absorbait. En proclamant deux millions et demi de Belges citoyens français, il poussait jusqu’à ses plus extrêmes conséquences le droit de la conquête. À la nationalité des vaincus, il substituait la nationalité des vainqueurs. Il anéantissait un peuple en le fusionnant avec un autre peuple. Et c’est en cela qu’apparaît sa nature essentiellement révolutionnaire.

Tel que l’avait pratiqué l’Ancien Régime, le droit de conquête avait porté sur le sol beaucoup plus que sur les habitants. Les gouvernements monarchiques visaient à agrandir leur territoire mais non point leur nation. Ils n’avaient aucun intérêt à assimiler à leurs anciens sujets leurs sujets nouveaux. Il leur suffisait de prendre à l’égard de ceux-ci la place du souverain auquel ils succédaient. Ils se substituaient dans son autorité, s’attribuaient ses prérogatives, respectaient les errements de son administration et laissaient les populations annexées en possession de leurs institutions traditionnelles. C’est ainsi que la Belgique, en passant successivement sous le pouvoir de la maison d’Espagne, puis sous celui de la maison