Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/115

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couvait sous la cendre. Il ne pouvait manquer de se ranimer aussitôt que, la question nationale résolue, le grand vent de l’opinion se mettrait à souffler.

Si l’on veut apprécier exactement le cours que devait prendre la vie politique, il faut se demander en quoi consistait l’opposition des catholiques et des libéraux. En matière constitutionnelle, il importe de le répéter encore, il n’existait pas entre eux la moindre divergence. Par un bonheur extraordinaire, l’histoire avait épargné à la Belgique ces survivances du passé qui, en France, depuis la grande Révolution, avait traversé tous les régimes sans s’y résorber. Sans doute, quelques républicains et quelques Orangistes conservaient encore l’espoir ceux-ci d’une restauration des Pays-Bas, ceux-là de l’abolition de la monarchie. Mais de moins en moins nombreux depuis l’avènement de Léopold Ier, ils avaient perdu toute influence après 1839, et, pour s’en convaincre, il suffit de comparer leur rôle à celui que jouèrent en France, sous la Restauration, sous Louis-Philippe et bien plus tard encore, les légitimistes, les bonapartistes et les républicains. À part ces petits groupes négligeables, l’opinion nationale ne s’exprimait donc que par deux partis, lesquels, non seulement admettaient, mais vénéraient également la constitution qu’ils avaient faite ensemble et dont chacun s’attribuait l’honneur.

D’accord sur le terrain politique, ils ne l’étaient pas moins sur le terrain social. L’un et l’autre, en effet, se recrutaient au sein de cette bourgeoisie ou, pour parler plus exactement, au sein de ces classes moyennes qui, dans les idées du temps, apparaissaient comme seules capables de conduire la société dans les voies nouvelles ouvertes par la Révolution française. En adoptant le cens comme base du droit électoral, à l’imitation de l’Angleterre et de la France, le Congrès y avait vu beaucoup plus encore qu’une garantie d’ordre, une garantie d’indépendance et une protection contre une offensive possible de l’« aristocratie » et du « despotisme ». Car dans l’état d’ignorance et de dépendance économique où se trouvait le peuple, il était clair que toute extension du droit de suffrage eût tourné au profit de la réaction. « Plus on abaissera le cens, avait dit