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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/186

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Plus grandissait la prospérité du pays, plus le Parlement, par égoïsme bourgeois et étroitesse de vues, se rebiffait devant le moindre sacrifice. Il en résulta que, jusque vers la fin du XIXe siècle, les gouvernements qui se succédèrent au pouvoir n’eurent guère recours qu’à l’emprunt pour parer aux dépenses de l’État. L’intérêt électoral les détournait d’ailleurs de demander des impôts que l’opposition eût exploités contre eux comme une preuve de mauvaise gestion ou de gaspillage. Le système financier continua donc, sans modifications essentielles, à reposer sur les bases qui lui avaient été données au temps du roi Guillaume. On préféra le laisser subsister tel quel plutôt que de tenter une réforme qui, peut-être, eût tout compromis. Si la dette publique alla croissant sans cesse, l’épargne du pays était assez forte pour la supporter sans faiblir.

La victoire définitive du libre-échange à partir de 1861, inaugura en effet une période de prospérité jusqu’alors sans exemple. Sans doute, à partir de cette date, le progrès économique est commun à toute l’Europe. Mais nulle part il n’apparaît aussi frappant qu’il le fut en Belgique. La liberté commerciale lui permit alors de tirer parti, comme elle n’avait plus pu le faire depuis le XVIe siècle, de sa position centrale, des ressources de son sol, des aptitudes travailleuses de son peuple et de la supériorité de ses moyens de communication. Jusqu’alors, on l’a vu, sa politique n’avait cessé de tendre à l’extension de sa production et de son commerce. Mais les barrières douanières qui l’enserraient continuaient, malgré les traités de commerce conclus avec les Pays-Bas, avec le Zollverein et avec l’Angleterre, à opposer leurs obstacles à son expansion. La France, le principal de ses débouchés, restait malveillante. En 1852, il avait fallu, pour obtenir d’elle quelques avantages commerciaux sans importance, lui sacrifier la florissante industrie qu’alimentait à Bruxelles et dans les grandes villes la contrefaçon des livres français. La brusque volte-face de Napoléon III concluant en 1860 avec l’Angleterre le fameux traité qui substituait le libre-échange au protectionnisme, marqua le début d’une ère nouvelle. Dès le 1er mai 1861, profitant du coup d’État économique de l’empe-