Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/89

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pold soulève une tempête au sein de la Chambre des Représentants. C’est un moyen de corruption, un abus d’un autre âge que l’on veut imposer au peuple. Gendebien s’écrie : « que jamais un ruban ne salira sa boutonnière », et la loi n’est adoptée enfin que par une majorité de deux voix : trente-sept contre trente-cinq[1].

Heureusement la nécessité du pouvoir royal s’impose plus encore que le désir de sa faiblesse. Inscrit dans la constitution, il participe à son inviolabilité et du moment que personne ne songe à le contester il ne dépend plus que de l’adresse, de la patience et de l’énergie de son détenteur de lui faire la place qui lui revient. Et cette place, malgré toutes les précautions prises, peut être grande encore, puisqu’elle s’étend au domaine entier de l’exécutif. C’est à le retenir et à le concentrer autant que possible dans ses mains que Léopold Ier s’est consacré dès l’origine. À l’interprétation républicaine que le Parlement donnait à la constitution, il est arrivé à substituer son interprétation monarchique et, tout en respectant scrupuleusement le pacte fondamental qu’il avait juré d’observer, a réussi à doter le gouvernement des prérogatives indispensables au maintien de l’État. En 1835, le chargé d’affaires anglais à Bruxelles, Bulwer, constate déjà avec surprise le bon fonctionnement d’un régime « qui n’aurait probablement pas réussi ailleurs », et cinq ans plus tard le roi, voyant son œuvre désormais assurée, se plaindra de ce que son rôle soit trop facile[2].

Que de désillusions pourtant il avait éprouvées ! Devant l’opposition des Chambres, ses ministres n’étaient que trop disposés à capituler, et il avait fallu une lutte incessante pour raffermir leur indécision et les dresser pour ainsi dire à leur rôle. Novice en matière de gouvernement, plus novice encore en matière de diplomatie, le Cabinet appelé aux affaires en

  1. Thonissen, La Belgique sous le règne de Léopold Ier, t. I, p. 308 (Louvain, 1861) ; Hymans, Histoire parlementaire, t. I, p. 41.
  2. Bulwer, op. cit., t. II, p. 220.