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juillet 1831, sous la présidence de de Muelenaere, avait dû être remanié en octobre 1832. L’appel fait alors à Rogier et à Lebeau, montre que déjà le roi, renonçant à s’entourer de personnalités de second plan, se sent assez fort pour faire entrer dans son Conseil des hommes politiques dont le passé et les services rehausseraient le prestige de la couronne à laquelle ils apportaient leur collaboration. Au mois d’avril 1833, il donnait une preuve plus significative d’assurance en soi-même en prononçant la dissolution des Chambres, fondée sur leur refus des subsides demandés pour l’armée. C’en fût une autre encore, que la démission donnée au Cabinet, au mois d’août 1834, à cause de son dissentiment avec le ministre de la guerre, le général Évain, que le roi considérait comme indispensable. L’opinion surprise apprit ainsi que Léopold voyait dans ses prérogatives constitutionnelles autre chose qu’un vain mot. Et le calme dont elle fit preuve atteste la consolidation du régime. Il n’y eut pas la moindre crise lors de la dissolution de 1833, et les ministres, en sortant de charge, s’abstinrent, avec un sens politique qui leur fait honneur, de toutes récriminations qui eussent pu affaiblir le principe de l’irresponsabilité de la couronne.

La décision du roi durant ces années de début s’explique certainement par sa volonté bien arrêtée de doter le pays d’une force militaire capable d’impressionner l’étranger. De son point de vue d’homme d’État, il lui apparaissait clairement que c’était là le premier des besoins pour le jeune royaume qui venait d’inaugurer son indépendance par une humiliante défaite. L’honneur national dont il avait la garde, autant que son honneur personnel lui imposaient sa conduite. « Qu’on se mette bien en tête, écrivait-il à Talleyrand en 1832, qu’on ne me renversera plus sans que je me défende à outrance et sans que j’en fasse tomber bien d’autres. J’ai pris là-dessus mes résolutions avec le plus grand sang-froid »[1].

De 1831 à 1839, sa préoccupation dominante fut celle d’organiser une solide armée. C’est elle qui le poussa, on vient de

  1. Gedenkstukken, loc. cit., t. II, p. 312.