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permis aux gouvernements ou, pour mieux dire, la politique ne pouvant s’inspirer d’intérêts, se meut dans la sphère des idées.

Éteinte en Allemagne avec Louis l’Enfant en 911, la dynastie carolingienne se maintient encore en France jusqu’en 987. A la mort d’Eudes de Paris (878), les grands du royaume étaient revenus à la famille royale traditionnelle et avaient reconnu Charles le Simple, dont ils ne s’étaient écartés d’ailleurs, à la mort de Charles le Gros, que parce qu’il était mineur. De Carolingien d’ailleurs, Charles le Simple et ses successeurs n’ont plus guère que leurs noms : Charles, Lothaire, Louis. Aucun d’eux n’a porté le titre impérial, aucun d’eux n’a songé à le revendiquer. Le petit-fils de Charles le Simple, Lothaire, a laissé sans mot dire s’accomplir à Rome le couronnement d’Othon. La seule idée qui les rattache encore à leurs traditions de famille, c’est la ténacité avec laquelle ils ont prétendu recouvrer la Lotharingie. Lothaire a encore eu la satisfaction de s’avancer jusqu’à Aix-la-Chapelle où il a failli surprendre Othon II, et de tourner face à l’est l’aigle qui surmontait le toit du palais. Mais ses forces n’étaient pas proportionnées à son entreprise. La même année, 978, Othon II conduisait par représailles une armée jusque sous les murs de Paris. La Lotharingie, un moment conquise, fut perdue pour la France ; seul l’évêché de Verdun lui restait acquis.

Le fils de Lothaire, Louis V, ne régna qu’un an. A sa mort un seul Carolingien subsistait, son oncle Charles, frère de Lothaire, qu’Othon II avait fait duc de Lotharingie. Il essaya vainement de conquérir la couronne, appuyé par quelques grands de son duché, mais il fut fait prisonnier par Hugues Capet en 991. Son fils Othon, dont le nom prouve qu’il était devenu étranger à sa race, lui succéda comme duc de Lotharingie. Avec lui s’éteignit obscurément, on ne sait au juste en quelle année (de 1005 à 1012), la glorieuse dynastie carolingienne.

L’impuissance de ses derniers représentants, qui contraste si fort avec les succès et les entreprises des rois allemands, ne s’explique pas du tout par leur incapacité. Louis, le fils de Charles le Simple, et Lothaire furent des hommes énergiques et entreprenants. Mais le sol se dérobait sous eux. L’aristocratie avait achevé de prendre, dans les pays sur lesquels ils régnaient, un ascendant irrésistible. Le roi n’avait plus que le pouvoir qu’elle voulait bien lui laisser et elle ne voulait lui en laisser que le moins possible afin de pouvoir mieux absorber les comtés et con-