Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/143

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elle n’est pas très grande. Elle lui suffit à se maintenir plus puissant que chaque prince particulier ; elle n’est pas assez solide pour lui permettre d’intervenir au dehors et de s’imposer à l’étranger.

Soumis en partie par Othon Ier, les Slaves se sont soulevés sous Othon III, et depuis lors, aucune tentative nouvelle n’a plus été faite pour leur imposer le christianisme et l’hégémonie allemandes. Celle-ci est également, depuis la fin du xe siècle, en décroissance dans les pays du nord. Ce ne sont pas les empereurs, mais les princes danois de l’Angleterre qui ont transmis le christianisme au Danemark (sous le règne de Canut le Grand, 1018), à la Norvège (sous Olaf le Saint, 1016), et à la Suède (sous Olaf l’Enfant, 1006). La Bohême et la Hongrie ont complètement secoué la dépendance qu’Othon Ier leur avait un instant imposée. La situation n’est pas plus brillante à l’ouest. Il n’est plus question, après la mort d’Othon II, de revendiquer sur les rois de France la moindre prééminence. L’acquisition de la Bourgogne par Conrad II prouve plutôt la faiblesse que la force de l’Empire, car elle ne lui apporte qu’un agrandissement nominal. Jamais les souverains allemands n’ont essayé d’agir sur ce pays, qu’ils ont abandonné si complètement à lui-même que les habitants n’ont pas même remarqué qu’ils étaient passés sous la souveraineté d’une dynastie allemande. Sur la frontière occidentale du royaume d’Allemagne, la Lotharingie, violemment annexée en 925, reste turbulente et mécontente et romprait sûrement ses liens, malgré la fidélité des évêques de Liège, d’Utrecht et de Cambrai, si ses princes féodaux pouvaient décider la prudence des Capétiens à seconder leurs révoltes. Les mésaventures de Henri III qui, après des années de lutte, n’est parvenu ni à dompter le soulèvement qu’ils ont entrepris contre lui, sous la conduite du duc Godefroid le Barbu, ni même à faire déposer les armes au comte de Flandre, Baudouin V, qui le brave en face, ne permettent pas de douter que l’Empire eût succombé de bonne heure si les embarras internes s’étaient compliqués de guerres à soutenir à l’extérieur. Par bonheur, les anciens ennemis de l’est, Slaves, Danois, Bohémiens et Hongrois furent pour lui des voisins aussi bénévoles que l’étaient les rois de France. Au xie siècle, la Bohême et la Pologne sont aux prises. Les empereurs ne se mêlent à leurs luttes que par des intrigues politiques pour les exploiter à leur profit.

C’est grâce à cette sécurité dont il jouit au dehors et qu’il se garde sagement de compromettre, que l’empereur peut consacrer ce