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descendent en pillant à travers la Gaule, franchissent les Pyrénées et ne s’arrêtent qu’arrivés au bord de la Méditerranée où ils s’installent au sud de l’Espagne et sur la côte d’Afrique. Les Burgondes suivent le cours du Rhône et se répandent dans son bassin jusqu’au golfe du Lion. Cependant, moins aventureux, les Alamans se contentent de coloniser l’Alsace, les Francs Ripuaires, le pays de Cologne jusqu’à la Meuse, et les Francs Saliens les plaines de l’Escaut et de la Lys.

Une seconde attaque fond en même temps sur l’Italie. Des bandes de Germains venant de Norique et de Rhétie traversent les Alpes sous la conduite de Radagaise, ravagent la Cisalpine et marchent vers Rome en demandant des terres. Une seconde fois Stilicon barre le passage au flot. Les envahisseurs sont taillés en pièces et massacrés sous les murs de Florence (405). Puis, le vainqueur lui-même périt assassiné (408). Ce furent les Wisigoths qui se chargèrent de venger Stilicon. Sous prétexte de châtier ses assassins, ils reprennent la route de Rome. L’armée de Stilicon existait encore ; mais en vraie armée de mercenaires elle n’avait garde de s’opposer aux vengeurs de son chef. Il n’y eut pas de résistance. Honorius s’enferma dans Ravenne pendant qu’Alaric entrait à Rome. C’était la première fois, depuis l’invasion des Gaulois en 380 avant Jésus-Christ, que des barbares franchissaient les portes de la ville étemelle. Ils se contentèrent, en vrais barbares, d’en arracher les ornements d’or et de métal précieux qui brillaient au forum et aux frontons des monuments publics. Ils ne lui voulaient pas de mal et ne maltraitèrent pas la population. Ce qu’ils cherchaient, c’étaient des terres ; la séduction du pays, toujours plus grande à mesure qu’ils avançaient vers le sud, leur fit continuer leur route à travers les enchantements de la Campanie. Alaric voulait les conduire en Sicile, quand il mourut subitement non loin de Cosenza (410). Ses compagnons lui firent des funérailles épiques. Dans le lit du Busento, dont les eaux furent détournées de leur cours, on creusa la tombe du guerrier. Puis les flots furent ramenés sur sa dernière demeure et l’on égorgea les esclaves chargés des travaux afin de conserver à jamais secret l’emplacement d’une sépulture qui est encore inviolée.

Les Wisigoths reconnurent comme successeur d’Alaric son frère Athaulf. On peut se faire une idée des progrès de la romanisation chez les barbares en le voyant désirer passionnément son entrée dans la famille impériale. Pour se débarrasser de lui, Hono-