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commettre une double infidélité envers l’Église et envers l’État. De là les violences et les massacres des guerres contre les Saxons et de là aussi l’acharnement qu’ils mirent à défendre leurs dieux devenus les protecteurs de leur liberté. Pour la première fois, le christianisme se heurta chez les païens à une résistence nationale, parce que pour la première fois il leur fut apporté par la conquête. Les Anglo-Saxons s’étaient convertis à la voix de quelques moines. Les Saxons du continent luttèrent désespérément pour le maintien de leur culte et leur lutte ouvre la série des sanglants conflits que devait provoquer, dans la suite des âges, la doctrine de la religion d’État.

Il faut reconnaître, d’ailleurs, que la sécurité du royaume franc imposait la conquête de ce peuple qui était pour lui, dans le nord, une menace permanente. L’annexion et la conversion de la Saxe firent entrer toute l’ancienne Germaine dans la communauté de la civilisation européenne. Lorsqu’elles furent achevées, la frontière orientale de l’Empire carolingien atteignit à l’Elbe et à la Saale. Elle se dirigeait de là jusqu’au fond de l’Adriatique par les montagnes de Bohême et le Danube, englobant le pays des Bavarois, dont le duc Tassilo fut déposé en 787. Au delà c’était le domaine de la barbarie, Slaves à l’est, Avars au sud.

Il fallut tout de suite combattre les Avars. Ce peuple de cavaliers, d’origine finnoise, que nous avons vu au vie siècle anéantir les Gépides de compte à demi avec les Lombards, s’était depuis lors établi dans la vallée du Danube d’où il harcelait à la fois l’Empire byzantin et la Bavière. Plusieurs expéditions furent nécessaires pour en venir à bout. Ce furent des campagnes d’extermination. Les Avars furent massacrés au point de disparaître comme peuple, et de nos jours encore le proverbe russe : « Il a disparu comme les Avars », rappelle l’impression que dut produire dans l’Europe orientale l’anéantissement de ces pillards sauvages et cruels qui avaient fait peser durant un siècle sur les Slaves des Carpathes une insupportable tyrannie. L’opération terminée, Charles pour parer à de nouvelles agressions, jeta en travers de la vallée du Danube une marche, c’est-à-dire un territoire de garde soumis à une administration militaire. Ce fut la « marche » orientale (marca orientalis), point de départ de l’Autriche moderne qui en a conservé é le nom.

Dès avant la fin du viie siècle les Slaves s’étaient avancés en Europe centrale. Ils avaient pris possession du pays abandonné