Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/106

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être à la suite de quelque heureuse trouvaille, s’improviser colporteur et parcourir le pays, chargé d’une pacotille. À la longue, il amasse quelques sous, et, un beau jour, il se joint à une troupe de marchands rencontrée au cours de ses pérégrinations. Il la suit de marché en marché, de foire en foire, de ville en ville. Devenu ainsi négociant de profession, il réalise rapidement des bénéfices assez considérables pour lui permettre de s’associer à des compagnons, de fréter un bateau en commun avec eux et d’entreprendre le cabotage le long des côtes de l’Angleterre et de l’Écosse, du Danemark et de la Flandre. La société prospère à souhait. Ses opérations consistent à transporter à l’étranger des denrées qu’elle sait y être rares et à y acquérir en retour des marchandises dont elle a soin de se défaire aux endroits où la demande en est la plus forte et où l’on peut réaliser, en conséquence, les gains les plus avantageux. Au bout de quelques années, cette prudente coutume d’acheter à bon marché et de vendre très cher a fait de Godric un homme puissamment riche. C’est alors que, touché de la grâce, il renonce subitement à la vie qu’il a menée jusqu’alors, abandonne ses biens aux pauvres et devient ermite.

L’histoire de Saint Godric, si l’on en supprime le dénouement mystique, a été celle de bien d’autres. Elle nous montre, avec une clarté parfaite, comment un homme parti de rien a pu, en un temps relativement court, amasser un capital considérable. Les circonstances et la chance ont dû sans doute concourir largement à sa fortune. Mais la cause essentielle de son succès, et le biographe contemporain auquel nous en devons le récit y insiste