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Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/107

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abondamment, c’est l’intelligence ou, pour mieux dire, le sens des affaires[1]. Godric nous apparaît comme un calculateur doué de cet instinct commercial qu’il n’est pas rare de rencontrer, à toutes les époques, chez les natures entreprenantes. La recherche du profit dirige toutes ses actions et l’on reconnaît clairement chez lui ce fameux « esprit capitaliste » (spiritus capitalisticus) dont on a voulu nous faire croire qu’il ne datait que de la Renaissance. Il est impossible de soutenir que Godric n’a pratiqué le négoce que pour subvenir à ses besoins journaliers. Au lieu d’entasser au fond d’un coffre l’argent qu’il a gagné, il ne s’en sert que pour alimenter et étendre son commerce. Je ne crains pas d’employer une expression trop moderne en disant que les bénéfices qu’il réalise sont employés au fur et à mesure à augmenter son capital roulant. Il est même surprenant d’observer que la conscience de ce futur moine est complètement dégagée de tous scrupules religieux. Son souci de rechercher pour chaque denrée le marché où elle produira le maximum de gain est en opposition flagrante avec la réprobation dont l’Église frappe tout espèce de spéculation et avec la doctrine économique du juste prix[2].

  1. « Sic itaque puerilibus annis simpliciter domi transactis, coepit adolescentior prudentiores vitae vias excolere et documenta secularis providentiae sollicite et exercitate perdiscere. Unde non agriculturae delegit exercitia colere, sed potius, quae sagacioris animi sunt, rudimenta studuit arripiendo exercere. Hinc est quod mercatoris aemulatus studium, coepit mercimonii frequentare negotium, et primitus in minoribus quidem et rebus pretii inferioris, coepit lucrandi officia discere ; postmodum vero paulatim ad majoris pretii emolumenta adolescentiae suae ingenia promovere ». Libellus de Vita S. Godrici, p. 25.
  2. « Qui comparat rem ut illam ipsam integram et immutatam