La fortune de Godric ne s’explique pas seulement par l’habileté commerciale. Dans une société encore aussi brutale que celle du xie siècle, l’initiative privée ne pouvait réussir qu’en recourant à l’association. Trop de périls guettaient l’existence errante du marchand pour ne point lui imposer tout d’abord la nécessité de se grouper afin de se défendre. D’autres motifs encore le poussaient à s’unir à des compagnons. Aux foires et aux marchés, surgissait-il une contestation, il trouvait parmi eux les témoins ou les cautions qui répondaient pour lui en justice. En commun avec eux il pouvait acheter en gros des marchandises que, réduit à ses propres ressources, il eût été incapable d’acquérir. Son crédit personnel s’augmentait du crédit de la collectivité dont il faisait partie, et, grâce à elle, il pouvait plus facilement tenir tête à la concurrence de ses rivaux. Le biographe de Godric nous apprend en propres termes que c’est du jour où son héros s’est associé à une troupe de marchands voyageurs que ses affaires ont pris leur essor. En agissant ainsi il n’a fait que se conformer à la coutume. Le commerce du haut Moyen Âge ne se conçoit que sous cette forme primitive dont la caravane est la manifestation caractéristique. Il n’est possible que grâce à l’assurance mutuelle qu’elle établit entre ses membres, à la discipline qu’elle leur impose, à la réglementation à laquelle elle les soumet. Qu’il soit question de commerce maritime ou de commerce sur terre, c’est toujours
dando lucretur, ille est mercator qui de templo Dei ejicitur ». Decretum I, dist. 88, c. 11. Pour le point de vue de l’Église en matière de commerce, voir F. Schaube, Der Kampf gegen den Zinswucher, ungerechten Preis und unlauteren Handel im Mittelalter (Freiburg im Breisgau, 1905).