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merciales se constituèrent aux endroits que la nature prédisposait soit à devenir soit à redevenir les foyers de la circulation économique[1].

On pourrait être tenté de croire, et certains historiens ont cru en effet, que les marchés (mercatus, mercata), fondés en si grand nombre à partir du ixe siècle, ont été la cause de ces premières agglomérations. Pour séduisante qu’elle paraisse à première vue, cette opinion ne résiste pas à l’examen. Les marchés de l’époque carolingienne étaient de simples marchés locaux fréquentés par les paysans des environs et par quelques colporteurs. Ils avaient uniquement pour but de subvenir au ravitaillement des cités et des bourgs. Ils ne se tenaient qu’une fois par semaine et leurs transactions étaient limitées par les besoins ménagers des habitants très peu nombreux, en faveur desquels ils étaient établis. Des marchés de cette sorte ont toujours existé et existent encore de nos jours dans des milliers de petites villes et de villages. Leur attraction n’était ni assez puissante ni assez étendue pour attirer et fixer autour d’eux une population marchande. On connaît d’ailleurs quantité d’endroits, qui, quoique pourvus de marchés de cette sorte, ne se sont jamais élevés au rang de villes. Il en fut ainsi par exemple de ceux que l’évêque de Cambrai et l’abbé de Reichenau établirent l’un en 1001 au Câteau-Cambrésis et l’autre en 1100 à Radolfzell. Or Radolfzell et Le Câteau ne furent jamais que des localités insignifiantes et l’insuccès des tentatives dont elles furent l’objet montre bien que les marchés ont été dépourvus de cette in-

  1. H. Pirenne, L’origine des constitutions urbaines au Moyen Âge (Revue historique, t. LVII [1895], p. 68).