Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où se constitua une agglomération marchande. Il en fut ainsi, par exemple, de Lille, d’Ypres, de Troyes, etc. La foire a sûrement favorisé le développement de ces villes, mais il est impossible d’admettre qu’elle l’ait provoqué. Plusieurs grandes villes en fournissant aisément la preuve. Worms, Spire, Mayence n’ont jamais été le siège d’une foire ; Tournai n’en a obtenu une qu’en 1284, Leyde qu’en 1304 et Gand qu’au xve siècle seulement[1].

Il reste donc que la situation géographique jointe à la présence d’une cité ou d’un bourg fortifié apparaît comme la condition essentielle et nécessaire d’un établissement de marchands. Rien de moins artificiel que la formation d’un établissement de ce genre. Les nécessités primordiales de la vie commerciale, la facilité des communications et le besoin de sécurité en rendent compte de la manière la plus naturelle. À une époque plus avancée, lorsque la technique aura permis à l’homme de vaincre la nature et de lui imposer sa présence en dépit des obstacles du climat ou du sol, il sera possible sans doute de bâtir des villes partout où l’esprit d’entreprise et la recherche du profit en arrêteront le site. Mais il en va tout autrement dans une période où la société n’a pas encore acquis assez de vigueur pour s’affranchir de l’ambiance physique. Forcée de s’y adapter, c’est d’après elle qu’elle règle son habitat. La formation des villes du Moyen Âge est à peu de choses près un phénomène aussi nettement déterminé par le milieu géographique et par le milieu social que le cours des

  1. H. Pirenne, L’origine des constitutions urbaines, loc. cit., p. 66.