Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/127

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rellement l’importance des évènements à celle qu’ils présentaient pour l’Église. La société laïque ne sollicitait leur attention qu’autant qu’elle était en rapports avec la société religieuse. Ils ne pouvaient négliger le récit des guerres et des conflits politiques qui exerçaient leur répercussion sur celle-ci, mais comment eussent-ils pris soin de noter les origines de la vie urbaine pour laquelle la compréhension ne leur faisait pas moins défaut que la sympathie[1] ? Quelques allusions échappées par hasard, quelques annotations fragmentaires à l’occasion d’une émeute ou d’un soulèvement, voilà presque toujours ce dont l’historien est réduit à se contenter. Il faut descendre jusqu’au xiie siècle pour trouver çà, et là, chez quelque rare laïque se mêlant d’écrire, un butin un peu plus abondant. Les chartes et les records nous permettent de suppléer dans une certaine mesure à cette indigence. Encore sont-ils bien rares pour la période des origines. Ce n’est qu’à partir de la fin du xie siècle qu’ils commencent à fournir des clartés un peu plus abondantes. Quant aux sources d’origine urbaine, je veux dire écrites et composées par des bourgeois, il n’en existe point qui soient antérieures à la fin du xiie siècle. On est donc obligé, quoiqu’on en ait, d’ignorer beaucoup et contraint de recourir trop souvent, dans la passionnante étude de l’origine des villes, à la combinaison et à l’hypothèse.

Le peuplement des villes nous échappe dans ses détails. On ne sait comment les premiers mar-

  1. Le chroniqueur Gilles d’Orval, par exemple, mentionnant les franchises accordées à la ville de Huy par l’évêque de Liége en 1061, en signale quelques points et passe le reste sous silence « pour ne pas ennuyer le lecteur ». Il pense évidemment au public ecclésiastique pour lequel il écrit.