Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/13

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Byzantins puis aux Lombards dans l’espoir de prendre pied au Sud des Alpes. Constamment déçus ils s’acharnent en nouvelles tentatives. Déjà, en 539, Theudebert a franchi les Alpes et lorsque Narsès, en 553, aura reconquis les territoires qu’il avait occupés, de nombreux efforts seront faits en 584-585 et de 588 à 590 pour s’en emparer de nouveau.

L’établissement des Germains dans le bassin de la Méditerranée ne marque nullement le point de départ d’une époque nouvelle dans l’histoire de l’Europe. Si gros de conséquences qu’il ait été, il n’a point fait table rase du passé et cassé la tradition. Le but des envahisseurs n’était pas d’anéantir l’Empire Romain, mais de s’y installer pour en jouir. À tout prendre, ce qu’ils en ont conservé dépasse de beaucoup ce qu’ils en ont détruit et ce qu’ils y ont apporté de neuf. Certes les royaumes qu’ils constituèrent sur le sol de l’Empire firent disparaître celui-ci en tant qu’État dans l’Europe Occidentale. À envisager les choses du point de vue politique, l’orbis romanus, refoulé désormais en Orient, a perdu le caractère œcuménique qui faisait jadis coïncider ses frontières avec les frontières de la chrétienté. Il s’en faut de beaucoup cependant qu’il devienne dès lors étranger aux provinces qu’il a perdues. Sa civilisation y survit à sa domination. Par l’Église, par la langue, par la supériorité des institutions et du droit, elle s’impose à ses vainqueurs. Au milieu des troubles, de l’insécurité, de la misère et de l’anarchie qui ont accompagné les invasions, elle se dégrade il est vrai, mais dans cette dégradation elle conserve une physionomie encore nettement romaine. Les Germains n’ont pas pu