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et d’ailleurs n’ont pas voulu se passer d’elle. Ils l’ont barbarisée, mais ils ne l’ont pas consciemment germanisée.

Rien ne confirme plus hautement cette observation que la persistance jusqu’au viiie siècle du caractère maritime que nous avons constaté tout à l’heure comme essentiel à l’Empire. La Méditerranée ne perd pas son importance après la période des invasions. Elle reste pour les Germains ce qu’elle était avant leur arrivée : le centre même de l’Europe, le mare nostrum. Si considérable qu’elle ait été dans l’ordre politique, la déposition du dernier empereur romain en Occident (476) n’a donc point suffi à faire dévier l’évolution historique de sa direction séculaire. Elle continue, au contraire, à se développer sur le même théâtre et sous les mêmes influences. Aucun indice n’annonce encore la fin de la communauté de civilisation établie par l’Empire des Colonnes d’Hercule à la Mer Egée et des côtes d’Égypte et d’Afrique à celles de Gaule, d’Italie et d’Espagne. Colonisé par les barbares, le monde nouveau conserve dans ses traits généraux la physionomie du monde antique. Pour suivre le cours des événements de Romulus Augustulus à Charlemagne, on est obligé de diriger constamment ses regards vers la Méditerranée[1].

Toutes les grandes péripéties de l’histoire se déroulent sur ses bords. De 493 à 526, l’Italie gouvernée par Théodoric exerce sur tous les royaumes germaniques une hégémonie par laquelle se perpétue et s’affirme la puissance de la tradition romaine. Puis, Théodoric disparu, cette puissance s’atteste plus

  1. H. Pirenne, Mahomet et Charlemagne (Revue belge de philologie et d’histoire, t. I [1922]), p. 77).