Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/135

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manière assez exacte les forts et les bloc-houses construits par les immigrants européens au xviie et au xviiie siècle dans les colonies d’Amérique ou du Canada. Comme ceux-ci, la plupart du temps, ils n’étaient défendus que par une solide palissade de bois percée de portes et entourée d’un fossé. On peut encore retrouver un souvenir de ces premières fortifications urbaines dans la coutume, longuement conservée en héraldique, de représenter une ville par une sorte de haie circulaire.

Il est certain que cette grossière clôture de charpente n’avait d’autre but que de parer à un coup de main. Elle constituait une garantie contre des bandits ; elle n’aurait pu résister à un siège en règle[1]. En cas de guerre, il fallait la livrer aux flammes afin d’empêcher l’ennemi de s’y embusquer, et se refugier dans la cité ou dans le bourg comme dans une puissante citadelle. Ce n’est guère qu’à partir du xiie siècle que la prospérité croissante des colonies marchandes leur permit d’augmenter leur sécurité en se ceignant de remparts de pierres, flanqués de tours, et capables d’affronter une attaque régulière. Dès lors, elles furent elles-mêmes des forteresses. La vieille enceinte féodale ou épiscopale, qui continuait à se dresser encore en leur centre, perdit ainsi toute raison d’être. Peu à peu on en laissa tomber en ruines les murs inutiles. Des maisons s’y accolèrent et les recouvrirent. Il arriva même que des villes les rachetèrent au comte ou à l’évêque, pour qui ils ne représentaient plus qu’un capital stérile ; on les

  1. Voy. plus haut p. 126 n. 3, le texte cité pour Cambrai. À Bruges, au commencement du xiie siècle, la ville n’était encore défendue que par des palissades de bois.