Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/136

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démolit et on transforma l’espace qu’ils avaient occupé, en terrains à bâtir.

Le besoin de sécurité qui s’imposait aux marchands nous fournit donc l’explication de ce caractère essentiel des villes du Moyen Âge d’être des villes fortes. On ne peut concevoir à cette époque une ville sans murailles ; c’est un droit ou, pour employer la manière de parler de ce temps, c’est un privilège qui ne manque à aucune d’elles. Ici encore l’héraldique se conforme très exactement à la réalité, en surmontant les armoiries des villes d’une couronne murale.

Mais l’enceinte urbaine n’est pas seulement l’emblème de la ville, c’est encore d’elle que provient le nom qui a servi et qui sert encore à en désigner la population. Du fait, en effet, qu’elle constituait un endroit fortifié, la ville devenait un bourg. L’agglomération marchande, nous l’avons déjà dit, était désignée, à côté du vieux bourg primitif, par le nom de nouveau bourg. Et c’est de là que ses habitants reçoivent, au plus tard depuis le commencement du xie siècle, le nom de bourgeois (burgenses). La première mention que je connaisse de ce mot appartient à la France, où on le relève dès 1007. On le trouve en Flandre, à Saint-Omer, en 1056 ; puis il passe dans l’Empire par l’intermédiaire de la région mosane où on le rencontre à Huy en 1066. Ainsi, ce sont les habitants du nouveau bourg, c’est à dire du bourg marchand qui ont reçu ou plus probablement qui se sont donné l’appellation de bourgeois. Il est curieux d’observer qu’elle n’a jamais été appliquée à ceux du vieux bourg. Ceux-ci nous apparaissent sous le nom de castellani ou de castrenses. Et c’est une preuve de