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en donneurs d’ouvrage et attirèrent naturellement vers les villes les tisserands du pays[1]. Ces tisserands perdirent dès lors leur caractère rural pour devenir de simples salariés au service des marchands. L’augmentation de la population favorisa naturellement la concentration industrielle. Quantité de pauvres affluèrent vers les villes où la draperie, dont l’activité croissait au fur et à mesure du développement du commerce, leur garantissait un gagne-pain. Leur condition y apparaît d’ailleurs comme très misérable. La concurrence qu’ils se faisaient les uns aux autres sur le marché du travail, permettait aux marchands de les payer à très bas prix. Les renseignements que nous possédons sur eux et dont les plus anciens remontent au xie siècle, nous les dépeignent sous l’apparence d’une plèbe brutale, inculte et mécontente[2]. Les conflits sociaux que la vie industrielle devait fomenter si terribles dans la Flandre du xiiie et du xive siècle, sont déjà en germe à l’époque même de la formation des villes. L’opposition du capital et du travail s’y révèle comme aussi ancienne que la bourgeoisie.

Quant à la vieille draperie rurale, elle disparut assez rapidement. Elle ne pouvait lutter avec celle des villes, abondamment fournies de matière première par le commerce, et jouissant d’une technique plus avancée. Car les marchands ne manquèrent point d’améliorer, en vue de la vente, la qualité des étoffes

  1. Gand devait être déjà au xie siècle un centre de tissage puisque la Vita Macarii (Mon. Germ. Hist. Script., t. XV, p. 616) parle des propriétaires des environs qui y amènent leurs laines.
  2. Voir à cet égard le Chronicon S. Andreae Castri Cameracesii, Mon. Germ. Hist. Script., t. VII, p. 540, et les Gesta abbatum Trudonensium. Ibid., t. X, p. 310.