Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foyer. Que de rancœurs, que de conflits naissaient fatalement d’une situation aussi contradictoire. Manifestement le droit ancien, en prétendant s’imposer à un milieu social auquel il n’était plus adapté, aboutissait à ces absurdités et à ces injustices qui appellent irrésistiblement une réforme.

D’autre part, tandis que la bourgeoisie grandissait et par le nombre acquérait la force, la noblesse, peu à peu, reculait devant elle et lui cédait la place. Les chevaliers établis dans le bourg ou dans la cité n’avaient plus aucune raison d’y demeurer depuis que l’importance militaire de ces vieilles forteresses avait disparu. On aperçoit très nettement, tout au moins dans le Nord de l’Europe, qu’ils se retirent à la campagne et abandonnent les villes. En Italie seulement et dans le Midi de la France, ils continuèrent à y résider.

Il faut sans doute attribuer ce fait à la conservation dans ces pays, des traditions et dans une certaine mesure de l’organisation municipale de l’Empire Romain. Les cités d’Italie et de Provence avaient été trop intimement rattachées aux territoires dont elles formaient les centres administratifs, pour n’avoir pas conservé avec eux lors de la décadence économique du viiie et du ixe siècle, des relations plus étroites que partout ailleurs. La noblesse, dont les fiefs s’éparpillaient à travers la campagne, n’y prit point ce caractère rural qui caractérise celle de France, d’Allemagne ou d’Angleterre. Elle se fixa dans les cités, où elle vécut des revenus de ses terres. Elle y construisit dès le haut Moyen Âge, ces tours qui jusqu’aujourd’hui donnent un aspect si pittoresque à tant de vieilles villes de Toscane. Elle ne se dépouilla point de