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motifs les plus naturels. Il est arrivé au Moyen Âge ce qui est arrivé si souvent depuis lors. Ceux qui bénéficiaient de l’ordre établi se sont attachés à le défendre non pas seulement et non pas tant peut-être parce qu’il garantissait leurs intérêts que parce qu’il leur semblait indispensable à la conservation de la société.

Remarquons, au surplus, que cette société, la bourgeoisie l’accepte. Ses revendications et ce que l’on pourrait appeler son programme politique ne visent aucunement à la renverser ; elle admet sans discuter les privilèges et l’autorité des princes, du clergé, de la noblesse. Elle veut obtenir seulement, parce que cela est indispensable à son existence, non point un bouleversement des choses, mais de simples concessions. Et ces concessions se bornent à ses besoins propres. Elle se désintéresse complètement de ceux de la population rurale dont elle est sortie. Bref, elle demande seulement à la société de lui faire une place compatible avec le genre de vie qu’elle mène. Elle n’est pas révolutionnaire, et s’il lui arrive d’être violente, ce n’est point par haine contre le régime, c’est tout simplement pour l’obliger à céder.

Il suffit de jeter un coup d’œil sur ses principales revendications pour se convaincre qu’elles ne vont pas au delà du nécessaire. C’est tout d’abord la liberté personnelle, qui assurera au marchand ou à l’artisan la possibilité d’aller, de venir et de résider où il le désire et de mettre sa personne comme celle de ses enfants à l’abri du pouvoir seigneurial. C’est ensuite l’octroi d’un tribunal spécial, grâce auquel le bourgeois échappera tout à la fois à la multiplicité des juridictions dont