Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/154

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On observe que partout les marchands prennent l’initiative et conservent la direction des événements. Rien de plus naturel que cela. N’étaient-ils pas dans la population urbaine l’élément le plus actif, le plus riche, le plus influent et ne supportaient-ils pas avec d’autant plus d’impatience une situation qui froissait à la fois leurs intérêts et leur confiance en eux-mêmes[1] ? On pourrait assez justement comparer le rôle qu’ils jouèrent alors, malgré l’énorme différence des temps et des milieux, à celui que la bourgeoisie capitaliste assuma depuis la fin du xviiie siècle dans la révolution politique qui mit fin à l’Ancien Régime. D’un côté comme de l’autre, le groupe social qui était le plus directement intéressé au changement prit la tête de l’opposition et fut suivi par la masse. La démocratie, au Moyen Âge comme dans les temps modernes, débuta par subir l’impulsion d’une élite et par imposer son programme aux confuses aspirations du peuple.

Les cités épiscopales furent tout d’abord le théâtre de la lutte. Et il serait certainement erroné d’attribuer ce fait à la personnalité des évêques. Un très grand nombre d’entre eux se distinguent, au contraire, par leur sollicitude éclairée pour le bien public. Il n’est pas rare de rencontrer dans leur sein des administrateurs excellents et dont la mémoire est restée populaire à travers les siècles. À Liége, par exemple, Notger (972-1008) attaque les châteaux des seigneurs pillards qui infestent les environs, détourne un bras de la Meuse pour assainir la ville et en augmente les fortifications[2]. Il

  1. Ibid.
  2. G. Kurth, Notger de Liége et la civilisation au xe siècle (Bruxelles, 1905).