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serait facile de citer des faits analogues pour Cambrai, pour Utrecht, pour Cologne, pour Worms, pour Mayence et pour quantité de cités d’Allemagne où les empereurs s’efforcèrent jusqu’à la guerre des investitures de nommer des prélats également remarquables par leur intelligence et leur énergie.

Mais plus les évêques avaient conscience de leurs devoirs, plus aussi ils prétendirent défendre leur gouvernement contre les revendications de leurs sujets et les maintenir sous son régime autoritaire et patriarcal. La confusion dans leurs mains du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel leur faisait apparaître d’ailleurs toute concession comme dangereuse pour l’Église. Il ne faut pas oublier non plus que leurs fonctions les obligeaient à résider d’une manière permanente dans leurs cités et qu’ils craignaient à bon droit les difficultés qu’entraînerait pour eux l’autonomie de la bourgeoisie au milieu de laquelle ils vivaient. Enfin nous avons déjà vu que l’Église était peu sympathique au commerce. Elle lui montrait une défiance qui devait naturellement la rendre sourde aux désirs des marchands et du peuple qui se groupait derrière eux, l’empêcher de comprendre leurs besoins et la faire s’illusionner sur leurs forces. De là des malentendus, des froissements et bientôt une hostilité réciproque qui, dès le commencement du xie siècle, aboutit à l’inévitable[1].

Le mouvement commença par l’Italie du Nord. Plus ancienne y était la vie commerciale, plus hâtives

  1. H. Pirenne, Les anciennes démocraties des Pays-Bas, p. 35 ; F. Keutgen, Aemter und Zünfte (Iena, 1903), p. 75. On trouve dans le clergé anglais la même hostilité à l’égard des bourgeoisies que dans les clergés allemand et français. K. Hegel, Stadte und Gilden der Germanischen Völker, t. I, p. 73 (Leipzig, 1891).