Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/192

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aux institutions urbaines, si bien que celles-ci débordent pour ainsi dire de l’enceinte des murailles pour se répandre sur les campagnes et leur communiquer la liberté.

Et cette liberté, faisant de nouveaux progrès, ne tarde pas à s’insinuer jusque dans les vieux domaines dont la constitution archaïque ne peut plus se maintenir au milieu d’une société rénovée. Soit par affranchissement volontaire, soit par prescription ou usurpation, les seigneurs la laissent se substituer graduellement à la servitude qui si longtemps avait été la condition normale de leurs tenanciers. Le statut des hommes se transforme en même temps que le régime des terres, puisque l’un et l’autre n’étaient que la conséquence d’une situation économique en voie de disparaître. Le commerce fournit maintenant à tous les besoins auxquels les domaines s’étaient si longtemps efforcés de subvenir par eux-mêmes. Il n’est plus indispensable que chacun d’eux produise toutes les denrées servant à son usage. Il suffit de se rendre à la ville voisine pour se les procurer. Les abbayes des Pays-Bas, qui avaient été dotées par leurs bienfaiteurs de vignobles situés soit en France, soit aux bords du Rhin et de la Moselle et d’où elles faisaient venir le vin nécessaire à leur consommation, vendent à partir du commencement du xiiie siècle ces propriétés devenues inutiles et dont l’exploitation et l’entretien leur coûtent désormais plus qu’elles ne rapportent[1].

Aucun exemple n’illustre mieux la disparition

  1. H. Van Werveke, Comment les établissements religieux belges se procuraient-ils du vin au haut Moyen Âge ? (Revue belge de philologie et d’histoire, t. II [1923], p. 643).