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Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/193

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fatale de l’ancien système domanial dans une époque transformée par le commerce et l’économie urbaine. La circulation qui devient de plus en plus intense favorise nécessairement la production agricole, disloque les cadres qui l’avaient enfermée jusqu’alors, l’entraîne vers les villes, la modernise et en même temps l’affranchit. Elle détache l’homme du sol auquel il avait été si longtemps assujetti. Elle substitue de plus en plus largement le travail libre au travail servile. Ce n’est plus que dans les régions écartées des grandes voies commerciales que se perpétue dans sa rigueur primitive l’ancien servage personnel et avec lui les formes anciennes de la propriété domaniale. Partout ailleurs, il disparaît d’autant plus vite et d’autant plus rapidement que les villes sont plus nombreuses. En Flandre, par exemple, c’est à peine s’il subsiste encore au commencement du xiiie siècle. Certes il s’en conserve certains vestiges. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, on rencontre çà et là des hommes soumis au droit de morte-main ou astreints à la corvée, et des terres grevées de divers droits seigneuriaux. Mais ces survivances du passé n’ont plus qu’une importance purement financière. Ce sont presque toujours de simples taxes et celui qui les paye n’en possède pas moins pour cela une entière liberté personnelle.

L’affranchissement des classes rurales n’est qu’une des conséquences provoquées par la renaissance économique dont les villes ont été tout ensemble le résultat et l’instrument. Il coïncide avec l’importance croissante du capital mobilier. Durant l’époque domaniale du Moyen Âge, il n’y avait eu d’autre richesse que celle qui repose sur la propriété