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gageaient leurs terres[1]. Mais ces opérations, interdites d’ailleurs par le droit canonique, n’étaient que des expédients occasionnels. En règle générale, l’argent était thésaurisé par ses détenteurs et le plus souvent transformé en vaisselle ou en ornements d’Église, qu’on faisait fondre en cas de besoin. Le commerce libéra cet argent captif et le ramena à sa destination. Grâce à lui, il redevint l’instrument des échanges et la mesure des valeurs, et puisque les villes étaient les centres du commerce, il afflua nécessairement vers elles. En circulant, il multiplia sa puissance par le nombre des transactions auxquelles il servait. L’usage en même temps s’en généralisa ; les payements en nature firent place de plus en plus aux payements en monnaie.

Et une nouvelle notion de la richesse apparut : celle de la richesse marchande, consistant non plus en terres, mais en argent ou en denrées commerciales appréciables en argent[2]. Dès le courant du xie siècle, de véritables capitalistes existaient déjà dans bon nombre de villes. Nous en avons cité plus haut des exemples sur lesquels il est inutile de revenir ici. De très bonne heure d’ailleurs, ces capitalistes urbains placèrent en terres une partie de leurs bénéfices. Le meilleur moyen de consolider leur fortune et leur crédit était, en effet, l’accaparement du sol. Ils consacrèrent une partie de leurs gains à l’achat d’immeubles, tout d’abord dans la ville même où ils habitaient, puis plus tard à la campagne. Mais ils se transformèrent

  1. R. Génestal, Le rôle des monastères comme établissements de crédit (Paris, 1901).
  2. H. Pirenne, Les périodes de l’histoire sociale du capitalisme, loc. cit., p. 269.