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surtout en prêteurs d’argent. La crise économique provoquée par l’irruption du commerce dans la vie sociale avait causé la ruine ou la gêne des propriétaires qui n’avaient pu s’y adapter. Car en développant la circulation de l’argent, elle avait eu pour résultat d’en amoindrir la valeur et partant, de faire hausser tous les prix. L’époque contemporaine de la formation des villes fut une période de vie chère, aussi favorable aux négociants et aux artisans de la bourgeoisie que pénible pour les détenteurs du sol qui ne parvinrent pas à augmenter leurs revenus. Dès la fin du xie siècle, on voit plusieurs d’entre eux obligés pour se maintenir de recourir aux capitaux des marchands. En 1147, la charte de Saint-Omer mentionne comme une pratique courante les emprunts contractés chez les bourgeois de la ville par les chevaliers des alentours. Mais des opérations bien plus considérables étaient déjà pratiquées à cette époque. Il ne manquait pas de marchands assez riches pour consentir des emprunts de grande envergure. Vers 1082, des marchands de Liége prêtent de l’argent à l’abbé de Saint-Hubert pour lui permettre d’acheter la terre de Chevigny, et quelques années plus tard, avancent à l’évêque Othert les sommes nécessaires pour acquérir du duc Godefroid, sur le point de partir pour la croisade, son château de Bouillon[1]. Les rois eux-mêmes recourent dans le courant du xiie siècle aux bons services des financiers urbains. William Cade est le bailleur de fonds du roi d’Angleterre[2]. En Flandre, au commencement du

  1. Ibid., p. 281.
  2. M. T. Stead, William Cade, a financier of the xiith century (English Historical Review, 1913, p. 209).