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règne de Philippe-Auguste, Arras est devenue par excellence une ville de banquiers. Guillaume le Breton la décrit comme pleine de richesses, avide de lucre et regorgeant d’usuriers :

Atrabatum… potens urbs… plena
Divitiis, inhians lucris et foenore gaudens[1].

Les villes de la Lombardie, puis à leur exemple celles de Toscane et de Provence la surpassent de beaucoup dans ce commerce, auquel l’Église cherche en vain à s’opposer. Depuis le commencement du xiiie siècle, les banquiers italiens étendent déjà leurs opérations au Nord des Alpes et leurs progrès y sont si rapides qu’une cinquantaine d’années plus tard, ils se sont substitués partout, grâce à l’abondance de leurs capitaux et à la technique plus avancée de leurs procédés, aux prêteurs locaux[2].

La puissance du capital mobilier concentré dans les villes ne leur a pas seulement donné l’ascendant économique, il a contribué aussi à les mêler à la vie politique. Aussi longtemps que la société n’avait connu d’autre pouvoir que celui qui dérive de la possession de la terre, le clergé et la noblesse avaient seuls participé au gouvernement. La hiérarchie féodale était constituée tout entière sur la base de la propriété foncière. Le fief, en réalité, n’est qu’une tenure et les relations qu’il crée entre le vassal et le seigneur ne sont qu’une modalité particulière des relations qui existent entre le propriétaire et le tenancier. La seule différence, c’est

  1. Guillaume le Breton, Philipidis. Mon. Germ. Hist. Script., t. XXVI, p. 321.
  2. G. Bigwood, Le régime juridique et économique de l’argent dans la Belgique du Moyen Âge (Bruxelles, 1920).