Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/199

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Car le bailli est, dans toute la force du terme, un fonctionnaire. Avec ce personnage amovible, rémunéré non par une concession de terre, mais par un traitement en argent, et tenu de rendre compte annuellement de sa gestion, s’affirme un nouveau type de gouvernement. Le bailli est placé en dehors de la hiérarchie féodale. Sa nature est toute différente de celle des anciens justiciers, maires, écoutètes ou châtelains, qui exercent leurs fonctions à titre héréditaire. Il y a entre eux et lui la même différence qu’entre les vieilles tenures serviles et les nouvelles tenures libres. Des causes économiques identiques ont transformé tout à la fois l’organisation foncière et l’administration des hommes. De même qu’elles ont permis aux paysans de s’affranchir et aux propriétaires de substituer la censive au mansus domanial, elles ont permis aux princes de s’emparer, grâce à des agents rétribués, du gouvernement direct de leurs territoires. L’innovation politique, comme les innovations sociales dont elle est contemporaine, suppose la diffusion de la richesse mobilière et de la circulation de l’argent. On se convaincra sans peine de l’exactitude de cette manière de voir si l’on observe que la Flandre, où la vie commerciale et la vie urbaine se sont manifestées plus tôt que dans les autres régions des Pays-Bas, a connu bien avant elles l’institution des baillis.

Les rapports qui se sont établis entre les princes et les bourgeoisies ont eu aussi des conséquences politiques de la plus grande portée. Il était impossible de ne point tenir compte de ces villes auxquelles leur richesse croissante donnait un ascendant de plus en plus fort, et qui pouvaient mettre