Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/202

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impossible de les soumettre arbitrairement à la taille et d’en tirer les subsides indispensables. Les chartes des villes leur octroyaient à cet égard les garanties les plus solennelles. Force fut donc bien de s’entendre avec elles. Peu à peu les princes prirent l’habitude d’appeler des bourgeois dans les Conseils de prélats et de nobles avec qui ils conféraient sur leurs affaires. Les exemples de ces convocations sont encore rares au xiie siècle. Ils se multiplient au xiiie et, au xive siècle, la coutume se trouve définitivement légalisée par l’institution des États, dans lesquels les villes obtiennent après le clergé et la noblesse, une place qui devint bientôt, quoique la troisième en dignité, la première en importance.

Si les villes ont eu comme on vient de le voir, une influence de très vaste portée sur les transformations sociales, économiques et politiques qui se manifestèrent dans l’Europe Occidentale au cours du xiie siècle, il pourrait sembler à première vue qu’elles n’aient joué aucun rôle dans le mouvement intellectuel. Du moins faut-il attendre jusqu’à la fin du xiiie siècle pour rencontrer des œuvres littéraires et des œuvres d’art enfantées au sein des bourgeoisies et animées de leur esprit. Jusque là, la science demeure le monopole exclusif du clergé et n’emploie d’autre langue que le latin. Les littératures en langue vulgaire ne s’adressent qu’à la noblesse ou du moins expriment les idées et les sentiments qui sont les siens. L’architecture et la sculpture ne produisent leurs chefs-d’œuvre que dans la construction et l’ornementation des églises. Les halles et les beffrois, dont les plus anciens spécimens remontent au commencement du