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C’est là une preuve évidente que les marchandises débarquées dans la ville étaient expédiées vers l’intérieur. Par le cours du Rhône et de la Saône ainsi que par les routes romaines, elles atteignaient le Nord du pays. Nous possédons encore les diplômes par lesquelles l’abbaye de Corbie a obtenu des rois l’exemption du péage à Fos sur une foule de denrées et de produits, parmi lesquels on remarque une variété surprenante d’épices de provenance orientale, ainsi que du papyrus[1]. Dans ces conditions, il ne paraît pas trop hardi d’admettre que l’activité commerciale des ports de Rouen et de Nantes, sur les côtes de l’Atlantique, de Quentovic et de Duurstede, sur celles de la mer du Nord, était entretenue par l’attraction de Marseille. La foire de Saint Denys, comme devaient le faire au xiie et au xiiie siècles les foires de Champagne, dont on peut la considérer comme la « préfiguration », met en contact les marchands anglo-saxons venus par Rouen et

  1. L. Levillain, Examen critique des chartes mérovingiennes et carolingiennes de l’abbaye de Corbie, p. 220, 231, 235 (Paris, 1902). Il s’agit du tonlieu de Fos près d’Aix-en-Provence. Une formule de Marculf (éd. Zeumer, p. 11), prouve que le garum, les dattes, le poivre et bien d’autres produits d’Orient faisaient partie de l’alimentation courante dans le Nord de la Gaule. Quant au papyrus, un texte conservé en appendice aux statuts d’Adalard de Corbie (Guérard, Polyptique d’Irminon, t. II, p. 336) atteste qu’il devait être fort répandu et d’emploi journalier. Ce texte le mentionnant cum seburo, permet de croire qu’il servait, comme de nos jours le papier huilé, à former les parois des lanternes. Je sais bien qu’on attribue le texte en question à l’époque carolingienne. Mais on ne peut alléguer d’autres arguments en faveur de cette opinion que le fait qu’il se rencontre à la suite des statuts d’Adalard. C’est là une circonstance qui ne peut passer pour une preuve. La disparition du papyrus à partir du commencement du ixe siècle nous oblige à reporter à une centaine d’années plus haut ce curieux document.