Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur fournir d’abondants bénéfices. Mais elle ne suffirait pas à expliquer leur nombre et leur diffusion extraordinaire dans tout le pays. Le trafic de Marseille était, au surplus, alimenté par des denrées de consommation générale, comme le vin et l’huile, sans compter les épices et le papyrus, qui étaient exportés, on l’a vu, jusque dans le Nord. Dès lors, force est bien de considérer les marchands orientaux de la monarchie franque comme pratiquant le commerce en gros. Leurs bateaux, après s’être déchargés sur les quais de Marseille, emportaient certainement, en quittant les rives de Provence, non seulement des voyageurs, mais du fret de retour. Les sources, à vrai dire, ne nous renseignent point sur la nature de ce fret. Parmi les conjectures dont il peut être l’objet, l’une des plus vraisemblables est qu’il consistait, tout au moins pour une bonne partie, en denrées humaines, je veux dire en esclaves. Le commerce des esclaves n’a pas cessé d’être pratiqué dans le royaume franc jusqu’à la fin du ixe siècle. Les guerres menées contre les barbares de Saxe, de Thuringe et des régions slaves lui fournissaient une matière qui semble avoir été assez abondante. Grégoire de Tours nous parle d’esclaves saxons appartenant à un marchand orléanais[1], et l’on peut conjecturer avec la plus grande vraisemblance que ce Samo, parti dans la première moitié du viie siècle avec une bande de compagnons pour le pays des Wendes dont il finit par devenir le roi, n’était qu’un aventurier trafiquant d’esclaves[2].

  1. Historia Francorum, éd. Krusch, l. VII, § 46.
  2. J. Goll, Samo und die Karantinischen Slaven (Mitteilungen des Instituts für Œsterreichische Geschichtsforschung, t. XI, p. 443).