Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/34

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non seulement par la Mer du Nord, la Manche et le Golfe de Gascogne, mais parfois même par la Méditerranée. Tous les fleuves furent remontés par ces barques d’une construction si adroite, dont des fouilles récentes ont mis au jour les beaux spécimens conservés à Oslo (Christiania). Périodiquement, les vallées du Rhin, de la Meuse, de l’Escaut, de la Seine, de la Loire, de la Garonne et du Rhône, furent l’objet d’une exploitation systématique conduite avec un remarquable esprit de suite[1]. La dévastation fut si complète, qu’en bien des points la population elle-même disparut. Et rien n’illustre mieux le caractère essentiellement terrien de l’Empire franc, que son impuissance à organiser, tant contre les Sarrasins que contre les Normands, la défense de ses côtes. Car cette défense, pour être effective, aurait dû être une défense navale, et l’Empire n’avait point de flottes, ou n’eut que des flottes improvisées[2].

De telles conditions sont incompatibles avec l’existence d’un commerce de réelle importance. La littérature historique du ixe siècle renferme, il est vrai, quelques mentions de marchands (mercatores, negaciatores)[3], mais il faut se garder de toute illusion sur leur portée. Si l’on tient compte

  1. W. Vogel, Die Normannen und das fränkische Reich (Heidelberg, 1906).
  2. Ch. de la Roncière, Charlemagne et la civilisation maritime au ixe siècle (Le Moyen âge, t. X [1897], p. 201).
  3. A. Dopsch, Die Wirtschaftsentwicklung der Karolingerzeit, t. II, p. 180 et suiv., en a relevé avec une très grande érudition un nombre considérable. Il faut pourtant remarquer que beaucoup d’entre elles se rapportent à la période mérovingienne et que beaucoup d’autres sont loin d’avoir la signification qu’il leur attribue. Voy. aussi J. W. Thompson, The Commerce of France in the ninth century (The Journal of political economy, t. XXIII [1915], p. 857)·