Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de petits marchés locaux, institués pour le ravitaillement hebdomadaire des populations au moyen de la vente en détail des denrées alimentaires de la campagne. Il serait également inutile d’alléguer en faveur de l’activité commerciale de l’époque carolingienne, l’existence à Aix-la-Chapelle, autour du palais de Charlemagne, ou à côté de certaines grandes abbayes, telles que, par exemple, celle de Saint-Riquier, d’une rue habitée par des marchands (vicus mercatorum)[1]. Les marchands dont il est question ici ne sont nullement, en effet, des marchands professionnels. Chargés de pourvoir à l’entretien de la Cour ou à celui des moines, ce sont, si l’on peut ainsi dire, des employés du ravitaillement seigneurial, ce ne sont en rien des négociants[2].

Nous possédons d’ailleurs une preuve matérielle de la décadence économique qui a atteint l’Europe

  1. Imbart de la Tour, Des immunités commerciales accordées aux églises du viie au ixe siècle (Études d’histoire du Moyen âge dédiées à Gabriel Monod [Paris, 1896], p. 71).
  2. On pourrait être tenté à première vue de voir de grands marchands dans les marchands du palais que mentionne une formule de 828 (Zeumer, Formulae, p. 314). Mais il suffit de constater que ces marchands doivent rendre compte de leurs affaires à l’empereur et qu’ils sont soumis à la juridiction de magistri spéciaux fixés au palais, pour ne voir en eux que les agents du ravitaillement de la cour. Les marchands de profession sont devenus si rares que leur condition est comparée à celle des iudei. D’ailleurs le fait que quantité d’abbayes se chargent d’envoyer des serviteurs acheter sur place les denrées nécessaires à leur alimentation (vin, sel et, dans les années de disette, seigle ou froment) prouve l’absence d’un ravitaillement normal par le commerce. Pour établir le contraire, il faudrait montrer que les quartiers marchands existant dans les villes à l’époque mérovingienne s’y rencontrent encore au ixe siècle. — J’ajouterai encore que l’étude comparée du tonlieu à l’époque mérovingienne et à l’époque carolingienne atteste, comme je me réserve de le montrer ailleurs, la décadence profonde du commerce au ixe siècle.