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occidentale du jour où elle a cessé d’appartenir encore à la communauté méditerranéenne. Elle nous est fournie par la réforme du système monétaire, commencée par Pépin le Bref et achevée par Charlemagne. On sait que cette réforme a abandonné la frappe de l’or pour y substituer celle de l’argent. Le sou, qui avait constitué jusqu’alors, conformément à la tradition romaine, la monnaie par excellence, n’est plus qu’une monnaie de compte. Les seules monnaies réelles sont désormais les deniers d’argent, pesant environ 2 grammes et dont la valeur métallique, comparée à celle du franc, peut être fixée approximativement à 45 centimes[1]. La valeur métallique du sou d’or mérovingien étant d’environ 15 francs, on appréciera toute la portée de la réforme. Incontestablement, elle ne s’explique que par un prodigieux affaissement de la circulation et de la richesse.

Si l’on admet, et on est obligé de l’admettre, que la réapparition au xiiie siècle, de la frappe de l’or, avec les florins de Florence et les ducats de Venise, caractérise la renaissance économique de l’Europe, il est incontestable que l’abandon de cette même frappe au ixe siècle atteste en revanche une profonde décadence. Il ne suffit pas de dire que Pépin et Charlemagne ont voulu remédier au désordre monétaire des derniers temps de l’époque mérovingienne. Il leur eût été possible, en effet, d’y remédier sans renoncer à frapper des monnaies d’or. Ils n’y ont renoncé incontestablement que par nécessité, c’est à dire par suite de la disparition du métal jaune dans la Gaule. Et cette disparition

  1. M. Prou, Catalogue des monnaies carolingiennes de la Bibliothèque Nationale, p. XLV.