Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/40

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n’a d’autre cause que l’interruption du commerce de la Méditerranée. Cela est tellement vrai que l’Italie méridionale, restée en contact avec Constantinople, conserve comme celle-ci la monnaie d’or à laquelle les souverains carolingiens se voient forcés de substituer la monnaie d’argent. Le poids très faible de leurs deniers témoigne d’autre part de l’isolement économique de leur Empire. Il n’est pas concevable qu’ils eussent pu réduire l’unité monétaire à la 30e partie de sa valeur antérieure, s’il s’était conservé le moindre rapport entre leurs États et les régions méditerranéennes où le sou d’or continuait d’avoir cours[1].

Mais il y a plus. La réforme monétaire du ixe siècle ne correspond pas seulement à l’appauvrissement général de l’époque qui l’a vue se réaliser, elle va de pair avec une circulation dont la lenteur et l’insuffisance sont également frappantes. En l’absence de centres d’attraction assez puissants pour attirer de loin la monnaie, elle demeure pour ainsi dire stagnante. Charlemagne et ses successeurs ont vainement ordonné de ne fabriquer des deniers que dans les ateliers royaux. Dès le règne de Louis le Pieux, il faut accorder à des églises l’autorisation de frapper monnaie, vu l’impossibilité dans laquelle elles se trouvent de se procurer du numéraire. À partir de la seconde moitié du ixe siècle, l’autorisation par les rois d’instituer un marché est

  1. Le fait que la disparition de la monnaie d’or est une conséquence de la décadence économique des temps carolingiens est confirmé par l’existence d’une petite frappe d’or subsistant en Frise et à Uzès, c’est à dire précisément dans les régions de l’Empire où d’une part les ports de Quentovic et de Duurstede et de l’autre les Juifs d’Espagne entretenaient encore un certain commerce. Pour cette frappe, voy. Prou, op. cit., p. XXXI.