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nombre des esclaves et des demi-libres (liti) y était considérable[1].

L’arrivée des envahisseurs dans les provinces romaines n’entraîna donc aucun bouleversement. Les nouveaux venus conservèrent, en s’y adaptant, la situation qu’ils y trouvèrent. Quantité de Germains reçurent du roi ou acquirent par violence, par mariage ou autrement de grands domaines qui firent d’eux les égaux des Sénateurs. L’aristocratie foncière, loin de disparaître, s’enrichit au contraire d’éléments nouveaux. La disparition des petits propriétaires libres continua en s’accélérant. Dès le début de la période carolingienne, il semble bien qu’il n’en existait plus en Gaule qu’un très petit nombre. Charlemagne prit vainement quelques mesures pour sauvegarder ceux qui subsistaient[2]. Le besoin de protection les faisait irrésistiblement affluer vers les puissants, au patronage desquels ils se subordonnaient corps et biens.

La grande propriété ne cessa donc de s’étaler de plus en plus largement depuis la période des invasions. La faveur dont les rois entourèrent l’Église contribua encore à ses progrès, et, il en alla de même de la ferveur religieuse de l’aristocratie. Les monastères, dont le nombre se multiplie avec une rapidité si frappante depuis le viie siècle, reçurent à l’envi d’abondantes donations de terre. Partout domaines ecclésiastiques et domaines laïques

  1. W. Wittich, Die Grundherrschaft in Nordwestdeutschland (Leipzig, 1896) ; H. Pirenne, Liberté et propriété en Flandre du ixe au xiie siècle. (Bulletin de l’Académie de Belgique, Classe des Lettres, 1906) ; H. Van Werveke, Grands propriétaires en Flandre au viie et au viiie siècle (Revue belge de philologie et d’histoire, t. II [1923], p. 321).
  2. Capitularia regum Francorum, éd. Boretius, t. I, p. 125.