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s’enchevêtrèrent les uns dans les autres, englobant non seulement les champs cultivés, mais les bois, les bruyères et les terrains vagues.

L’organisation de ces domaines demeura conforme dans la Gaule franque à ce qu’elle avait été dans la Gaule romaine. On conçoit qu’il n’en pouvait aller autrement, les Germains n’ayant aucun motif et étant d’ailleurs incapables de lui substituer une organisation différente. Elle consistait, en ce qu’elle a d’essentiel, à répartir l’ensemble des terres en deux groupes, soumis à deux régimes distincts. Le premier, le moins étendu, était directement exploité par le propriétaire ; le second était réparti, à titre de tenures, entre les paysans. Chacune des villas dont se composait un domaine comprenait ainsi une terre seigneuriale (terra dominicata) et une terre censale, divisée en unités de culture (mansus) occupées à titre héréditaire par les manants ou les vilains (manentes, villani) moyennant la prestation de redevances en argent ou en nature et de corvées[1].

Aussi longtemps qu’il exista une vie urbaine et un commerce, les grands domaines possédèrent un marché pour l’excédent de leurs produits. On ne peut douta que durant toute l’époque mérovingienne c’est grâce à eux que les agglomérations urbaines furent ravitaillées et que les marchands

  1. Le polyptyque de l’abbé Irminon est la source principale pour la connaissance de cette organisation. Les prolégomènes de Guérard dans l’édition qu’il en a donnée en 1844 sont encore à lire. On consultera aussi sur ce sujet le fameux Capitulare de Villis. K. Gareis en a donné un bon commentaire : Die Landgüterordnung Karls des Grossen (Berlin, 1895). Pour les controverses récentes sur la portée et la date du Capitulaire, voy. M. Bloch, L’origine et la date du Capitulare de Villis (Revue Historique, t. CXLIII [1923], p. 40).