Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/51

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du Dnieper, vers l’Est, celui de la Volga et vers le Nord, la direction marquée par la Duna et les lacs qui aboutissent au golfe de Botnie. Les renseignements de voyageurs juifs ou arabes et d’écrivains byzantins complètent heureusement les données des fouilles archéologiques. Il suffira de résumer brièvement ici ceux que nous rapporte au xe siècle, Constantin Porphyrogénète[1]. Il nous montre les Russes assemblant chaque année, après la fonte des glaces, leurs bateaux à Kief. La flottille descend lentement le Dnieper, dont les nombreuses cataractes lui opposent des obstacles qu’il faut tourner en traînant les barques le long de la rive. La mer atteinte, on cingle le long des côtes vers Constantinople, but suprême du lointain et périlleux voyage. Les marchands russes y possèdent un quartier spécial et des traités de commerce, dont le plus ancien remonte au ixe siècle, règlent leurs rapports avec les habitants de la capitale. Beaucoup d’entre eux, séduits par ses attraits, s’y fixent à demeure et y prennent du service dans la garde impériale, comme jadis les Germains dans les légions de Rome. La ville des empereurs (Tsarograd) exerçait sur les Russes un prestige dont l’influence s’est conservée à travers les siècles. C’est d’elle qu’ils reçurent le christianisme (957-1015) ; c’est à elle qu’ils empruntèrent leur art, leur écriture, l’usage de la monnaie et une bonne partie de leur organisation administrative. Il n’en faut pas davantage pour attester le rôle joué par le commerce byzantin dans leur vie sociale. Il y occupe une place si essentielle que sans lui, leur civilisation demeure-

  1. De administrando imperio (écrit vers 950). Il faut consulter sur ce texte l’admirable commentaire de V. Thomsen, op. cit. 4