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personne. Aidé d’un Conseil formé de prêtres et de chanoines, il administrait la cité et le diocèse conformément aux préceptes de la morale chrétienne. Son tribunal ecclésiastique, présidé par l’archidiacre, avait singulièrement élargi sa compétence grâce à l’impuissance et plus encore à la faveur de l’État. Non seulement les clercs en dépendaient en toute matière, mais c’est encore de lui que relevaient quantité d’affaires intéressant les laïques : affaires de mariage, de testaments, d’état civil, etc. Les attributions de sa cour laïque, à laquelle étaient préposés soit le châtelain, soit l’avoué, avaient bénéficié d’une extension analogue. Depuis le règne de Louis le Pieux, elles n’avaient cessé de réaliser des empiétements qu’explique et que justifie le désordre de plus en plus flagrant de l’administration publique. Ce n’étaient pas seulement les hommes de l’immunité qui lui étaient soumis. Il semble bien que, tout au moins dans l’enceinte de la cité, tout le monde en était justiciable et qu’en fait elle se fût substituée à la juridiction que le comte, en théorie, possédait encore sur les hommes libres[1]. En outre, l’évêque exerçait un droit de police assez mal défini, grâce auquel il administrait le marché, réglait la perception du tonlieu, surveillait la frappe des monnaies, pourvoyait à l’entretien des portes, des ponts et des remparts. Bref, il n’était plus de domaine, dans l’administration de la cité où, soit de droit, soit d’autorité, il n’intervînt comme gardien de l’ordre, de la paix et du bien commun.

  1. Je ne cherche naturellement qu’à caractériser la situation générale. Je n’ignore pas qu’elle comporte de nombreuses exceptions ; mais elles ne peuvent modifier l’impression d’ensemble qui se dégage de l’examen des faits.