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perfidie. À tout prendre cependant, il fut favorable à la société. S’étant emparés du pouvoir, les princes éprouvèrent aussitôt les obligations qu’il impose. Leur intérêt le plus évident était de défendre et de protéger les terres et les hommes qui étaient devenus leurs terres et leurs hommes. Ils ne faillirent pas à une tâche que le souci de leur avantage personnel eût suffi à leur imposer. À mesure que leur puissance grandit et s’affermit, on les voit se préoccuper de plus en plus, de donner à leurs principautés une organisation capable d’y garantir l’ordre et la paix publique[1].

Le premier besoin auquel il fallait faire face était celui de la défense, tant contre les Sarrasins ou les Normands, que contre les princes voisins. Aussi voit-on, à partir du ixe siècle, chaque territoire se couvrir de forteresses[2]. Les textes contemporains leur donnent les noms les plus divers : castellum, castrum, oppidum, urbs, municipium[3] ;

  1. La plupart des bourgs ou châteaux furent construits en France par les princes laïques. Les derniers Carolingiens en érigèrent pourtant quelques-uns. En Allemagne, où le pouvoir royal se conserva plus robuste, non seulement les souverains élevèrent des châteaux, mais ils possèdent même, seuls en théorie, le droit d’en élever. Les évêques auxquels ils constituent des principautés territoriales tant en Allemagne qu’en Italie, en bâtissent naturellement comme les princes laïques.
  2. Avant l’arrivée des Normands, il n’y avait pas ou presque pas de localités fortifiées en dehors des cités épiscopales. Hariulf, Chronique de l’abbaye de Saint-Riquier, éd. F. Lot, p. 118 (Paris, 1894). Cf. R. Parisot, Le royaume de Lorraine sous les Carolingiens, p. 55 (Paris, 1899). En Italie, la construction des bourgs (castra) fut provoquée par les incursions des Hongrois. (F. Schneider, Die Entstehung von Burg und Landgemeinde in Italien, p. 263, Berlin, 1924), en Allemagne, par celles des Hongrois et des Slaves, dans le Sud de la France, par celles des Sarrasins. Brutails, Histoire des classes rurales dans le Roussillon, p. 35.
  3. Sur le sens de cet mots voy. K. Hegel, Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, t. XVIII (1892),