Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/83

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l’enthousiasme religieux que par l’esprit d’entreprise. Bien différents des Vénitiens, les Génois et les Pisans se considèrent en face de l’Islam comme les soldats du Christ et de l’Église. Ils croient voir l’archange Gabriel et Saint Pierre les conduisant au combat contre les infidèles, et ce n’est qu’après avoir massacré les « prêtres de Mahomet » et mis au pillage la Mosquée de Mehdia qu’ils signent un avantageux traité de commerce. La cathédrale de Pise, construite après ce triomphe, symbolise admirablement et le mysticisme des vainqueurs et la richesse que la navigation commence à faire affluer vers eux. Des colonnes et des marbres précieux rapportés d’Afrique servirent à sa décoration. Il semble que l’on ait voulu attester par sa splendeur la revanche du christianisme sur ces Sarrasins dont l’opulence était un objet de scandale et d’envie. C’est du moins le sentiment qu’exprime un fougueux poème contemporain[1].

Unde tua in aeternum splendebit ecclesia
Auro, gemmis, margaritis et palliis splendida.

Ainsi, devant la contre-attaque chrétienne, l’Islam recule peu à peu. Le déclanchement de la première croisade (1096) marque son recul définitif. Dès 1097, une flotte génoise cinglait vers Antioche apportant aux croisés des renforts et des vivres. Deux ans plus tard, Pise envoyait des vaisseaux « sur l’ordre du pape » pour délivrer Jérusalem. Désormais la Méditerranée tout entière s’ouvre ou plutôt se rouvre à la navigation occidentale. Comme à l’époque romaine, l’intercourse se rétablit d’un

  1. É. Du Méril, Poésies populaires latines du Moyen Âge, p. 251 (paris, 1847).