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bout à l’autre de cette mer essentiellement européenne.

L’emprise de l’Islam sur elle a pris fin. Sans doute, les résultats politiques et religieux de la Croisade ont été éphémères. Le royaume de Jérusalem et les principautés d’Édesse et d’Antioche ont été reconquis par les Musulmans au xiie siècle. Mais la mer est restée au pouvoir des chrétiens. C’est eux qui, maintenant, y exercent la maîtrise économique. De plus en plus, toute la navigation leur appartient dans les « échelles du Levant ». Leurs établissements commerciaux se multiplient avec une surprenante rapidité dans les ports de Syrie, dans ceux de l’Égypte et des îles de la Mer Ionienne. Par la conquête de la Sardaigne (1022), de la Corse (1091), de la Sicile (1058-1090) ils enlèvent aux Sarrasins les bases d’opération qui, depuis le ixe siècle, leur avaient permis de maintenir l’Occident en état de blocus. Les Génois et les Pisans ont la route libre pour cingler vers ces rivages orientaux où se déversent les produits arrivés du fond de l’Asie soit par les caravanes, soit par la navigation de la Mer Rouge et du Golfe Persique, et pour fréquenter à leur tour le grand port de Byzance. La prise d’Amalfi par les Normands (1073), en mettant fin au commerce de cette ville, les a débarrassés de sa concurrence.

Mais leurs progrès suscitent aussitôt la jalousie de Venise. Elle ne peut souffrir de partager avec ces nouveaux venus un trafic dont elle prétend conserver le monopole. Elle a beau professer la même foi, appartenir au même peuple et parler la même langue, elle ne voit plus en eux que des ennemis dès qu’ils sont devenus des concurrents. Au printemps de