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l’année 1100, une escadre vénitienne embossée devant Rhodes guette le retour de la flotte que Pise a envoyée à Jérusalem, tombe sur elle à l’improviste et coule impitoyablement bon nombre de ses vaisseaux[1]. Ainsi débute entre les villes maritimes un conflit qui durera aussi longtemps que leur prospérité. La Méditerranée ne retrouvera plus cette paix romaine que l’Empire des Césars lui avait jadis imposée. La divergence des intérêts y entretiendra désormais une hostilité tantôt sourde et tantôt déclarée entre les rivaux qui se la disputent.

En se développant, le commerce maritime devait naturellement se généraliser. À partir du commencement du xiie siècle, il gagne les rivages de France et d’Espagne. Le vieux port de Marseille se ranime après le long engourdissement où il est tombé à la fin de la période mérovingienne. En Catalogne, Barcelone profite à son tour de l’ouverture de la mer. Pourtant, l’Italie conserve incontestablement la primauté dans cette première renaissance économique. La Lombardie, où conflue à l’Est par Venise, à l’Ouest par Pise et Gênes tout le mouvement commercial de la Méditerranée, s’épanouit avec une vigueur extraordinaire. Dans cette admirable plaine, les villes croissent avec la même vigueur que les moissons. La fertilité du sol leur permet une expansion illimitée en même temps que la facilité des débouchés y favorise tout à la fois l’importation des matières premières et l’exportation des produits fabriqués. Le commerce y suscite l’industrie et dans la même mesure où il se développe Bergame, Crémone, Lodi, Vérone, toutes les anciennes « Cités », tous les anciens « Municipes »

  1. A. Schaube, op. cit., p. 125.