Page:Pirenne - Les Villes du Moyen Âge, 1927.djvu/88

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Ces succès eurent pour résultat d’orienter dans un sens nouveau l’activité des Scandinaves. Dans le courant du xe siècle, ils se détournent de la guerre pour s’adonner au commerce[1]. Leurs bateaux sillonnent toutes les mers du Nord et ils n’ont point à y craindre de rivaux puisque seuls parmi les peuples dont elles baignent les côtes, ils sont navigateurs. Il suffit de parcourir les savoureux récits des Sagas pour se faire une idée de la hardiesse et de l’intelligence des marins barbares dont elles racontent les aventures et les exploits. Chaque printemps, dès que la mer est libre, ils prennent le large. On les rencontre en Islande, en Irlande, en Angleterre, en Flandre, aux embouchures de l’Elbe, du Weser, de la Vistule, dans les îles de la Mer Baltique, au fond du Golfe de Botnie et du Golfe de Finlande. Ils ont des établissements à Dublin, à Hambourg, à Schwerin, dans l’île de Gotland. Grâce a eux, le courant commercial qui, parti de Byzance et de Bagdad, traverse la Russie en passant par Kief et Novgorod se prolonge jusqu’aux rivages de la Mer du Nord et y fait sentir sa bienfaisante influence. Il n’est guère dans l’histoire de phénomène plus curieux que cette action exercée sur l’Europe septentrionale par les civilisations supérieures de l’Empire Grec et de l’Empire Arabe, et dont les Scandinaves ont été les intermédiaires. À cet égard, leur rôle, en dépit des différences de climat, de milieu et de culture, apparaît tout à fait analogue à celui que Venise a

  1. W. Vogel, Zur Nord- und Westeuropäischen Seeschifffahrt im früheren Mittelalter (Hansische Geschichtsblätter, t. XIII [1907], 170) ; A. Bugge, Die Nordeuropäischen Verkehrswege im frühen Mittelalter (Vierteljahrschrift für Social und Wirtschaftsgeschichte, t. IV [1906], p. 427).