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Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/151

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Baisers volés ; puis la main qui s’ingère,
Et qu’on punit. Béatilles d’amour
Viennent par ordre, et chacune à son tour.
Tout jusque-là n’est que cajolerie,
Que doit souffrir une hôtesse jolie.

Mais un beau jour, pour certaine raison,
Nos voyageurs sortis de la maison,
La belle étant à leur chambre montée,
Voit par hasard leurs bottes dans un coin ;
Botte aussitôt par elle convoitée :
Désir lui prend d’essayer sans témoin
Quelle figure aurait femme bottée.
Sur ce point là, sans prévoir le péril,
Tant fut enfin procédé par la belle,
Qu’elle chausse l’accoutrement viril.
Le galant monte, et trouvant la femelle
Embarrassée en ce plaisant maintien,
Il vous l’étend sur son lit bel et bien.
Amour sans bruit conduisait le mystère :
Le dieu fripon, après quelque tracas,
Introduisit le vainqueur dans Cythère.
Quelqu’un dira : « Quoi ! l’on ne cria pas ? »
Pourquoi crier ! Elle n’était si sotte ;
À quel scandale eût-elle donné lieu ?
Qu’eût dit l’époux de voir sa femme en botte !
Péchés secrets sont remis devant Dieu.

L’histoire aussi dit qu’avant de se rendre,
La chasteté fit très-bien son devoir.
Menaces, pleurs, prières, désespoir :
On n’obtint rien ; bref, ont fit tel esclandre,